Les troubles politiques et sociaux de la France, provoqués par la révolution de 1789, à commencer par l`évasion des familles royales à l`étranger, ont provoqué l`errance de Chateaubriand qui était royaliste. Même si cette Révolution apportera plus tard un bon résultat à la société française, elle lui a donné pour l`instant une douleur morale. En effet, il a ressenti qu`il n`était pas à la hauteur de cette situation difficile, bien qu`il destine sa vie à la politique. Pour se dégager de cette vie d`errance qui n`a guère de sens, et pour réfléchir sur le but de sa vie, il a décidé de voyager en Amérique du Nord.
En 1791, son voyage était réalisé, et lors de son séjour à Londres en 1822, il a écrit ses impressions sur l`Amérique. Ce récit est inséré dans Mémoires d`outre-tombe (1848-1850). Le retentissement de la Révolution a donc fait de Chateaubriand non seulement un exilé, mais aussi un écrivain. Son espace littéraire devient un lieu de souvenir. Le récit écrit sous forme de mémoire se développe en alternant le temps passé et le temps présent, et pafois le temps futur. Son itinéraire est à la fois décrit par les impressions ressenties en 1791 et par sa vision qu`il a de l`Amérique, lors de la rédaction de son oeuvre. Son récit représente alors l`image de l`Amérique de 1791 vers 1822 ou celle de l`Amérique du temps ultérieur.
Par le style de description rétrospective, Chateaubriand mêle les sentiments de l`Amérique qu`il a ressentis à l`époque de son voyage en tant que jeune homme, aux sentiments de l`Amérique qu`il ressent dans la position d`une personne âgée qui évoque son voyage passé. En particulier, quand il a voyagé là-bas, les États-Unis devaient, avec difficulté, réunir en une seule nation les peuples originaires de multiples pays. En revanche, lorsqu`il écrit le récit lié à son voyage, ce pays commence à avoir l`image d`un État moderne, en concentrant leurs forces en vue du progrès.
Parmi les choses que Chateaubriand a vues en Amérique du Nord, l`atmosphère exotique des forêts vierges et les faits politiques, sociaux et économiques des États-Unis ne peuvent pas être négligés. La vie menée avec les sauvages habitant les forêts, constitue pour lui un inoubliable souvenir lié au continent de l`Amérique du Nord. En jouissant dans les forêts de la liberté morale, il semble revenu à un état de nature. En évoquant l`hospitalité que les sauvages américains lui ont donnée, il confirme que leurs moeurs sont empruntées à la Grèce. Il utilise un raisonnement scientifique pour faire apparaître ses souvenirs exacts.
Chateaubriand réfléchit également sur la démocratie américaine par rapport à la Révolution française. L`esprit démocratique des États-Unis et l`esprit révolutionnaire de la France prétendent, tous les deux, à la liberté de la vie humaine et à l`égalité des droits de l`homme. Or, la société américaine montre à Chateaubriand le désaccord entre la liberté et l`égalité, par l`esclavage et par l`inégalité des richesses entre les riches et les pauvres. L`accord entre la liberté et l`égalité semble difficile, puisque l`égalité supprime parfois la liberté. Chateaubriand craint que la société française ne fasse aussi l`expérience du désaccord. Par son voyage, il arrive alors à mieux connaître les significations de la liberté et de l`égalité. La présence de l`esclavage aux États-Unis lui donne une mauvaise impression de leur démocratie, mais il reconnaît finalement leurs efforts pour construire une société libérale qui se fonde sur l`égalité des droits de l`homme.
C`est en écrivant le récit de voyage par le rappel de ses souvenirs que Chateaubriand reconstruit ainsi toutes ses expériences vécues dans les forêts vierges de l`Amérique du Nord et dans les circonstances complexes de la société des États-Unis. Ce retour à son passé finit par être une action pour sa création littéraire.